Loi de ratification des ordonnances Macron
Jeudi 29 mars 2018, le Président de la République a promulgué la loi n° 2018-217 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.
Elle est parue au Journal officiel n° 76 du 31 mars 2018.
En validant l’essentiel de la loi de ratification des ordonnances Macron, le Conseil constitutionnel a mis un point final au processus de refonte du code du travail entamé durant l’été 2017.
Compte tenu de l’ampleur des changements apportés (fusion des institutions représentatives du personnel, renversement de la hiérarchie des accords, création des accords-référendum dans les très petites entreprises…), il faudra sans doute plusieurs mois, voire plusieurs années, aux entreprises pour saisir toutes les conséquences de la réforme et mettre à profit les divers outils mis à leur disposition.
VOLET NÉGOCIATION COLLECTIVE
Dans les domaines dits « verrouillés », les accords d’entreprise ne s’appliquent que s’ils comportent des garanties au moins équivalentes.
Cette équivalence s’apprécie « par ensemble de garanties se rapportant à la même matière ».
Domaines de primauté de l’accord de branche
Bloc 1 : matières dans lesquelles l'accord de branche prime d’office (verrouillage de droit) :
salaires minima hiérarchiques, classifications, mutualisation des fonds de la formation professionnelle, garanties collectives de protection sociale complémentaire, égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, aménagement du temps de travail : possibilité d’aménager le temps de travail par accord d’entreprise sur une période supérieure à l’année et pouvant aller jusqu’à 3 ans et création d’une durée d’équivalences, définition du nombre d’heures minimal entraînant la qualification de travailleur de nuit, temps partiel : durée minimale, taux de majoration des heures complémentaires, recours aux avenants de complément d’heures, conditions et durée de renouvellement de la période d’essai, transfert conventionnel des contrats de travail, CDD et intérim : durée totale du CDD ou de la mission, nombre maximal de renouvellements, modalités de calcul du délai de carence entre deux contrats, cas de non-application du délai de carence, conditions de recours au CDI de chantier ou d’opération, intérim : modalités particulières visant à favoriser le recrutement de personnes rencontrant des difficultés particulières d’accès à l’emploi ou pour assurer un complément de formation professionnelle, portage salarial : rémunération minimale du salarié porté et montant de l’indemnité d’apport d’affaires.
Bloc 2 : matières dans lesquelles les partenaires sociaux peuvent donner primauté à l’accord de branche (verrouillage facultatif) :
prévention des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels, insertion professionnelle et maintien dans l’emploi des personnes handicapées, effectif à partir duquel les délégués syndicaux peuvent être désignés, leur nombre et la valorisation de leur parcours syndical, primes pour travaux dangereux ou insalubres.
Bloc 3 : matières dans lesquelles l’accord d’entreprise ou d’établissement prime sur l'accord de branche :
Dans les domaines qui ne relèvent ni du bloc 1 ni du bloc 2, l’accord d’entreprise ou d’établissement prime sur l’accord de branche. Il faut respecter les règles d’ordre public du code du travail. - L’accord de groupe rejoint les accords d’entreprise et les accords d’établissement, dans la catégorie des « conventions d’entreprise ». -
Les TPE peuvent conclure un avenant de révision selon les mêmes modalités que l’accord initial, c’est-à-dire par référendum.
L’ordonnance Macron relative au renforcement de la négociation collective permet aux entreprises de moins de 11 salariés de « conclure » des accords collectifs par référendum, dans la mesure où, par hypothèse, elles n’ont ni délégué syndical ni élu du personnel.
Dans ce mécanisme simplifié, l’employeur élabore un projet d’accord et le soumet au personnel. Le texte acquiert la valeur d’un accord collectif si les salariés l’approuvent à la majorité des deux tiers.
Les entreprises de 11 à 20 salariés peuvent également appliquer ce dispositif lorsqu’elles n’ont pas d’élu du personnel (sachant que par hypothèse, elles sont dépourvues de DS).
La loi de ratification complète ces dispositions pour préciser les conditions de révision et de dénonciation de ces accords.
Dès lors que, compte tenu de son effectif, l’entreprise est en droit de recourir au référendum, tout accord collectif, quelles qu’aient été ses modalités de conclusion, peut être révisé ou dénoncé selon les règles décrites ci-après (c. trav. art. L. 2232-22-1 nouveau).
En d’autres termes, peu importe que, par le passé, l’entreprise ait négocié des accords collectifs avec des salariés mandatés, des élus du personnel, voire des délégués syndicaux. Il n’y a pas de parallélisme des formes. Ces accords pourront être révisés ou dénoncés selon les règles propres aux TPE si l’effectif de l’entreprise vient à décroître.
- L’employeur peut dénoncer un accord conclu sous la forme d’un référendum, selon les règles de droit commun.
- Pour les salariés, la dénonciation d’un «accord-référendum» n’est possible que dans le mois précédant chaque date anniversaire de la conclusion de l’accord. Elle doit être soutenue par les deux tiers du personnel, au minimum.
- La loi de ratification précise le mécanisme de garantie de rémunération mis en place par la loi Travail en cas de dénonciation ou de mise en cause d’un accord collectif.
- Le système de publication des accords collectifs est assoupli, afin notamment de garantir la confidentialité de certains éléments stratégiques.
- Le Conseil constitutionnel apporte une réserve au dispositif qui interdit d'agir en nullité d'un accord collectif plus de 2 mois après sa publication.
- Lorsqu’il est saisi d’une action en nullité d’un accord collectif, le juge doit rendre sa décision dans un délai de 6 mois. Volet CSE (Comité Social et Economique) Un ajout aux règles transitoires de mise en place du comité social et économique (CSE) permet aux entreprises dont les mandats des IRP arrivent à échéance en 2019 d’avancer cette mise en place.
Le protocole préélectoral ne pourra pas déroger à la limitation du nombre de mandats des élus du CSE dans les entreprises de plus de 300 salariés. Le droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes concerne désormais tous les CSE, quel que soit l’effectif de l’entreprise.
L’ordonnance balai supprime l’obligation, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, de réunir chaque mois le CSE dans sa configuration « DP ».
Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, en cas d’événement grave lié à l’activité de l’entreprise, le CSE est réuni de plein droit et non à la demande d’au moins deux de ses membres.
La participation et l’intéressement ne sont plus inclus dans la masse salariale brute servant au calcul de la subvention de fonctionnement et de la contribution au financement des activités sociales et culturelles (ASC).
La loi de ratification simplifie le calcul du montant minimal de la subvention aux ASC, qui ne doit pas être inférieur au rapport contribution/masse salariale brute de l’année précédente. Le transfert de l’excédent du budget de fonctionnement vers la subvention destinée aux ASC est désormais plafonné.
Dans certaines hypothèses, des expertises normalement cofinancées par le CSE et l’employeur sont prises en charge à 100 % par l’employeur.
Tous les membres du CSE bénéficient d’une formation aux questions de santé, de sécurité et de conditions de travail, et non plus seulement ceux de la commission santé et sécurité. Sauf accord de l’employeur, le règlement intérieur du CSE ne peut pas contenir des clauses lui imposant des obligations qui ne résultent pas de dispositions légales.
La loi de ratification supprime l’instance de dialogue social que la loi Travail avait prévu de mettre en place chez les franchisés. Les conditions de désignation d’un délégué syndical sont assouplies.
Volet mesures individuelles diverses (inaptitude, CDD, télétravail, etc.)
Les modèles de lettre de licenciement n’ont plus à préciser les droits et obligations de l’employeur et du salarié.
En cas de licenciement économique dans un groupe international, l’exclusion des entreprises étrangères pour l’appréciation du motif économique ne s’applique pas s’il y a fraude.
Le barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse ne s’applique pas en cas de prise d’acte ou de résiliation produisant les effets d’un licenciement nul. L’employeur doit informer le médecin du travail de toute contestation portée devant le conseil de prud’hommes concernant un avis qu’il a émis.
Les frais d’expertise engagés dans le cadre d’un recours contre un avis du médecin du travail peuvent ne pas être mis à la charge de la partie perdante, dès lors que l’action en justice n’est pas dilatoire ou abusive.
Les salariés soumis à un suivi médical renforcé ou qui y ont été soumis au cours de leur carrière doivent passer une visite médicale de fin de carrière auprès du médecin du travail avant leur départ à la retraite.
Les règles de fin de contrat des salariés protégés en CDD saisonnier sont assouplies, la saisine de l'inspection du travail n'étant plus requise.
Les salariés licenciés à l’issue d’un CDI de chantier ou d’opération peuvent bénéficier d’une priorité de réembauche en CDI de droit commun, si l’accord de branche étendu autorisant le recours au CDI de chantier ou d’opération le prévoit.
Le contrat d’apprentissage peut être réalisé à l’étranger pour une durée maximale d’un an. En cas de mobilité dans l’Union européenne, l’apprenti est rémunéré par l’entreprise du pays d’accueil.
Le recours au télétravail régulier est possible même sans charte ni accord collectif. La restriction prévue par l’ordonnance du 22 septembre 2017 est levée.
Si un accord collectif ou une charte de télétravail est mis en place, elle doit en particulier prévoir les conditions de passage en télétravail en cas de pic de pollution de l’air. Le dispositif de prêt de main-d’œuvre sécurisé sans refacturation intégrale mis en place par les ordonnances Macron est étendu à de nouvelles structures.
Il est précisé que ce prêt de main-d’œuvre peut intervenir sans aucune refacturation, même partielle. Des mesures exceptionnelles sont prises pour aider les îles de Saint-Barthélemy et Saint-Martin à faire face aux conséquences du cyclone Irma.
Volet accords de compétitivité, rupture conventionnelle collective et congé de mobilité
Le nouvel accord de compétitivité est officiellement nommé « accord de performance collective ».
L’accord de performance collective peut modifier le forfait en heures ou en jours sur l’année d’un salarié, son refus justifiant son licenciement.
Pour mémoire, l’accord de performance collective permet d’aménager la durée du travail et/ou la rémunération des salariés, et/ou de fixer les conditions de la mobilité professionnelle ou géogra-phique interne à l’entreprise.
Les clauses de l’accord se substituent à celles du contrat de travail du salarié, y compris si elles sont moins favorables que ce dernier. Ainsi, un accord de performance collective permet, par exemple, d’imposer une augmentation de la durée de travail des salariés sans hausse de salaire proportionnelle.
Le salarié peut refuser l’application de l’accord, mais l’employeur peut alors engager une procédure de licenciement à l’encontre du salarié et la rupture repose automatiquement sur une cause réelle et sérieuse.
En résumé, un accord de performance collective s’impose de la même manière aux salariés disposant d’un forfait annuel en heures ou en jours qu’aux autres salariés. L’employeur doit informer les salariés de l’existence et du contenu de l’accord de performance collective par tout moyen conférant date certaine et précise.
L’employeur dispose d’un délai de 2 mois pour engager la procédure de licenciement d’un salarié ayant refusé l’application de l’accord de performance collective.
L’accord de performance collective peut préciser les modalités d’accompagnement des salariés licenciés et prévoir un abondement du compte personnel de formation au-delà du minimum réglementaire. La loi renforce le contenu de l’accord collectif de rupture conventionnelle collective, qui doit notamment indiquer la « fenêtre » durant laquelle il est possible d’engager les ruptures de contrat.
Le congé de mobilité pourra être proposé dans le cadre d’un accord portant rupture conventionnelle collective.
Le contrôle exercé par la DIRECCTE sur l’accord portant rupture conventionnelle collective portera en plus sur le caractère précis et concret des mesures d’accompagnement et de reclassement externe des salariés.
En cas de refus de validation, si l’employeur entend reprendre son projet, il doit négocier un nouvel accord avant de présenter une nouvelle demande de validation. L’accès au congé de mobilité est élargi et ouvert à tous les employeurs sans condition d’effectif.
L’ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail du 22 septembre 2017 a mis en place de nouvelles règles permettant d’organiser des départs volontaires sur la base d’accords collectifs, indépendamment de l’existence de difficultés économiques.
Le congé de mobilité, dans sa nouvelle mouture entrée en vigueur le 23 décembre 2017, est ainsi conçu comme un outil permettant d’organiser des départs volontaires sur la base d’un accord collectif portant gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC).
La loi de ratification ouvre à toutes les entreprises, sans condition d’effectif, le bénéfice du congé de mobilité prévu dans le cadre d’un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), en supprimant la référence au seuil de 300 salariés.
Source : CCI INFO N° 158