Publication des ordonnances Macron : La réforme du code du travail est lancée
En application de la loi d'habilitation du 15 septembre 2017, le gouvernement a publié, au JO du 23 septembre 2017, cinq ordonnances qui réforment le code du travail en profondeur. Voici les principales nouveautés en matière de licenciement et de négociation collective. Ordonnances 2017-1385, 2017-1386 et 2017-1387 du 22 septembre 2017, JO du 23.
Fixation du barème des indemnités prud’homales
Ainsi que le prévoyait la loi d’habilitation (loi 2017-1340 du 15 septembre 2017, JO du 16), l'ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail fixe le barème que doit respecter le juge pour déterminer le montant de l'indemnité à verser à un salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Cette mesure s’applique aux contentieux consécutifs à des licenciements prononcés après le 23 septembre 2017.
Ce barème s’impose également en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail et de prise d’acte du contrat de travail jugée aux torts de l’employeur.
Conséquence de l'instauration de ce barème obligatoire, le barème indicatif qui avait été mis en place par la loi Macron du 6 août 2015 est supprimé.
Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte des indemnités de licenciement versées par l’employeur.
L’indemnité prud’homale peut se cumuler, le cas échéant, avec les indemnités versées en cas d’irrégularité en matière de licenciement économique (dont certaines sont par ailleurs diminuées par l’ordonnance), mais dans la limite des montants maximaux prévus par le barème.
Le barème ne s’applique pas en cas de licenciement nul (violation d’une liberté fondamentale, faits de harcèlement, licenciement discriminatoire, protection de la maternité, etc.). Dans ce cas, le salarié, s’il ne réintègre pas l’entreprise, a droit à des dommages et intérêts d’au moins 6 mois de salaire, quelle que soit la taille de l'entreprise. Aucun plafond n’est prévu.
Amélioration de l'indemnité légale de licenciement
8 mois d'ancienneté pour bénéficier de l'indemnité
L'ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail abaisse d’1 an à 8 mois ininterrompus la condition d’ancienneté requise pour bénéficier de l’indemnité légale de licenciement. Cette mesure s'applique aux licenciements « prononcés » après le 23 septembre 2017.
Sous réserve d'éventuelles précisions de l'administration, et malgré le changement de terminologie, on devrait ici se référer à la date de notification du licenciement (date d'envoi de la lettre notifiant la rupture).
Hausse du montant de l'indemnité
Parallèlement à la baisse de l'ancienneté requise pour bénéficier de l'indemnité légale de licenciement, un décret revalorise le montant de l'indemnité légale pour les licenciements « prononcés » après le 26 septembre 2017 (décret 2017-1398 du 25 septembre 2017, JO du 26)
Le montant de l'indemnité est ainsi fixé à (c. trav. art. R. 1234-2) :
-pour les 10 premières années d’ancienneté : 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté (contre 1/5 de mois dans la réglementation antérieure, soit une augmentation de 25 %) ;
-pour chaque année au-delà de 10 ans d’ancienneté : 1/3 de mois de salaire par an (sans changement par rapport à la réglementation antérieure, qui prévoyait 1/5 +2/15 de mois, soit mathématiquement déjà 1/3).
Il est désormais expressément précisé qu’en cas d’année incomplète, l’indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois « complets ».
Nouvelle hiérarchie des accords collectifs
Primauté de l'accord d'entreprise, sauf domaines « verrouillés »
Conformément à ce que prévoyait la loi d'habilitation (loi 2017-1340 du 15 septembre 2017, JO du 16), l'ordonnance relative au renforcement de la négociation collective définit d’une part, les domaines dans lesquels la convention de branche prévaut obligatoirement sur l’accord d’entreprise, d’autre part, les domaines dans lesquels la convention de branche peut interdire toute dérogation défavorable aux salariés par un accord d’entreprise ultérieur .
En dehors de ces hypothèses, l’accord d’entreprise prévaut sur les clauses de la convention de la branche ayant le même objet, que l’accord ait été conclu avant ou après l’entrée en vigueur de cette convention.
Domaines de primauté de l’accord de branche (dans les autres domaines, primauté de l’accord d’entreprise ou d’établissement sur l’accord de branche)
• salaires minima hiérarchiques (2)
• classifications (2)
• mutualisation des fonds de la formation professionnelle (2)
• garanties collectives de protection sociale complémentaire (2)
• égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (2)
• aménagement du temps de travail : possibilité d’aménager le temps de travail par accord d’entreprise sur une période supérieure à l’année et pouvant aller jusqu’à 3 ans (3)
• création d’une durée d’équivalences (4)
• définition du nombre d’heures minimal entraînant la qualification de travailleur de nuit (4)
• temps partiel : durée minimale, taux de majoration des heures complémentaires, recours aux avenants de complément d’heures (4)
• conditions et durée de renouvellement de la période d’essai
• transfert conventionnel des contrats de travail
• CDD et intérim : durée totale du CDD ou de la mission, nombre maximal de renouvellements, modalités de calcul du délai de carence entre deux contrats, cas de non-application du délai de carence(5)
• conditions de recours au CDI de chantier ou d’opération (6)
• intérim : modalités particulières visant à favoriser le recrutement de personnes rencontrant des difficultés particulières d’accès à l’emploi ou pour assurer un complément de formation professionnelle (7)
• portage salarial : rémunération minimale du salarié porté et montant de l’indemnité d’apport d’affaires (7)
Domaines pour lesquels les partenaires sociaux peuvent donner primauté à l’accord de branche (verrouillage facultatif) (8)
• prévention des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels
• insertion professionnelle et maintien dans l’emploi des personnes handicapées
• effectif à partir duquel les délégués syndicaux peuvent être désignés, leur nombre et la valorisation de leur parcours syndical
• primes pour travaux dangereux ou insalubres (9)
Refonte de la négociation dans les entreprises sans délégué syndical
Référendum pour les entreprises de moins de 11 salariés
En dessous de 11 salariés (seuil en deçà duquel l’entreprise est en principe dépourvue de toute représentation du personnel), l'ordonnance relative au renforcement de la négociation collective offre à l’employeur la possibilité d'élaborer lui-même un projet d'accord et de le soumettre directement aux salariés. Cette mesure, réservée aux entreprises dépourvues de délégué syndical, nécessite cependant un décret d'application pour entrer en vigueur
Tout thème ouvert à la négociation pourra ainsi faire l'objet d'un « accord-référendum ». L'employeur organisera le référendum au plus tôt 15 jours après avoir communiqué son projet au personnel. Pour être validé, l'accord devra être ratifié à la majorité des deux tiers.
Ce mode de « négociation » sera aussi possible dans les entreprises employant entre 11 et 20 salariés qui n'ont pas de membre élu du comité social et économique (CSE), nouvelle instance appelée à se substituer aux délégués du personnel, au comité d’entreprise et au CHSCT. Bien entendu, l'entreprise devra également être dépourvue de délégué du personnel désigné en qualité de délégué syndical (DS).
Négociation avec les élus facilitée dans les entreprises de 11 à moins de 50 salariés
La principale nouveauté réside dans le fait que, de 11 à moins de 50 salariés, la négociation avec un élu non mandaté peut porter sur n'importe quel thème, alors qu'elle était jusqu'à présent retreinte aux mesures dont la mise en œuvre nécessitait un accord collectif. Par ailleurs, un accord négocié avec des élus mandatés nécessite désormais une signature majoritaire, alors que, auparavant, il fallait passer par le référendum.
Ces nouvelles modalités de négociation ne nécessitant aucun décret d'application, elles sont a priori entrées en vigueur le lendemain de la publication de l'ordonnance, soit le 24 septembre 2017.
Création de la « rupture conventionnelle collective »
Sécuriser le recours aux départs volontaires
Les accords collectifs portant « rupture conventionnelle collective », font leur entrée dans le code du travail.
Initialement nommé « plan de départ volontaire », ce nouveau dispositif est désormais intitulé « accord collectif portant rupture conventionnelle collective » en référence au dispositif de rupture conventionnelle que chaque salarié en CDI peut conclure individuellement avec son employeur.
Un accord collectif pourra ainsi prévoir une rupture conventionnelle collective conduisant à une rupture du contrat d'un commun accord entre l'employeur et le salarié. Il s’agit plus précisément de permettre à toute entreprise de négocier un mécanisme de départ volontaire collectif sécurisé, car validé par l’administration. En s’inscrivant dans ce cadre, l’entreprise a notamment la garantie de ne pas basculer dans le régime du licenciement collectif pour motif économique, avec tout ce que cela implique, par exemple en termes de recherches de reclassement.
On peut noter que, à la différence des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), ces accords n’empêcheront pas l’entreprise de recruter par la suite. Il ne s’agit pas non plus d’un pré-PSE, puisque les ruptures conventionnelles collectives ne sont pas censées être utilisées dans un contexte de difficultés économiques. Selon le ministère du Travail, le dispositif peut servir, par exemple, à rajeunir la pyramide des âges ou à renouveler les compétences.
Accord collectif validé par l’administration
L’employeur engageant une négociation en vue d’un accord portant rupture conventionnelle collective devra en informer sans délai l'administration. L'accord conclu devra être un accord collectif majoritaire. Il déterminera :
-les modalités et conditions d’information du comité social et économique ;
-le nombre maximal de départs envisagés, de suppressions d’emplois associées, et la durée de mise en œuvre de la rupture conventionnelle collective ;
-les conditions que doit remplir le salarié pour en bénéficier ;
-les critères de départage entre les potentiels candidats au départ ;
-les modalités de calcul des indemnités de rupture garanties au salarié, qui ne peuvent être inférieures aux indemnités légales dues en cas de licenciement ;
-les modalités de présentation et d’examen des candidatures au départ des salariés, comprenant les conditions de transmission de l’accord écrit du salarié ;
-des mesures visant à faciliter le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents, telles que des actions de formation, de validation des acquis de l’expérience ou de reconversion ou des actions de soutien à la création d’activités nouvelles ou à la reprise d’activités existantes par les salariés ;
-les modalités de suivi de la mise en œuvre effective de l’accord portant rupture conventionnelle collective.
Une fois conclu, l’accord sera transmis pour validation à l'administration, qui devra vérifier sa conformité, la présence des mesures prévues ci-dessus et la régularité de la procédure d’information du comité social et économique.
Dans l’attente de la mise en place du comité social et économique, les attributions de cette instance sont exercées par le comité d’entreprise ou, le cas échéant, les délégués du personnel.
L'accord devra être validé par l’administration du travail, selon une procédure assez semblable à celle applicable à un PSE négocié : l’autorité administrative se prononcera dans un délai de 15 jours, à compter de la réception de l'accord collectif. Le silence gardé par l’administration à l'issue ce délai vaudra décision d’acceptation de validation.
La décision motivée prise par l’autorité administrative est notifiée, dans les mêmes délais, au comité social et économique et aux organisations syndicales représentatives signataires.
Contentieux confié au juge administratif
Comme pour le PSE, le contentieux sera étroitement encadré. Tout litige, quel qu'en soit l'objet (contenu de l'accord portant rupture conventionnelle collective ou régularité de la procédure), prendra la forme d'une contestation de la décision de validation, à soumettre au tribunal administratif.
Le recours devra être présenté dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la décision de validation pour l'employeur et à compter de la date à laquelle la décision a été portée à leur connaissance pour les syndicats et les salariés. L'appel sera formé dans un délai de 3 mois et la décision également rendue dans un délai de 3 mois.
En revanche, les litiges relatifs à la rupture du contrat de travail seront du ressort du conseil de prud'hommes. Les salariés auront 12 mois pour saisir le juge.
Rupture d’un commun accord et droit à indemnisation du chômage
L’acceptation par l’employeur de la candidature du salarié dans le cadre de la rupture conventionnelle collective emportera rupture du contrat de travail d’un commun accord des parties, le départ de l’entreprise permettra de bénéficier d’une ouverture de droits aux allocations de chômage.
CCI Info N°155 - Novembre 2017