Dossier: Le télétravail après les ordonnances Macron

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Issue de l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 et de la loi de ratification du 29 mars 2018, la nouvelle législation a pour objet clairement affiché de favoriser le télétravail, tout en donnant des droits et des obligations tant à l’employeur qu’au télétravailleur.

Le champ d’application de la nouvelle législation

La définition légale

Le télétravail est défini par le code du travail comme « toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les techn-logies de l’information et de la communication »

La définition légale du télétravail suppose la réunion de trois critères : le travail ne peut être imposé au télé-travailleur : il doit être volontaire ; il doit s’effectuer en utilisant des technologies de l’information et de la communication (« TIC » : Internet, digital, etc.). Le travailleur à domicile n’est donc pas un télé-travailleur ! Cela se comprend si l’on garde à l’esprit que le travailleur à domicile vise toute personne qui exécute moyennant une rémunération forfaitaire des tâches manuelles à son domicile ; le travail peut être exécuté aussi bien dans les locaux de l’entreprise qu’en dehors, ce qui vise le télétravail au domicile du salarié (domicile principal ou résidence secondaire), mais aussi dans des espaces collectifs situés en dehors de l’entreprise (ex. : télécentres).

Toutefois, dans la mesure où le travail doit avoir pu être exécuté dans les locaux de l’entreprise, travailler à l’extérieur des locaux de l’entreprise ne suffit pas à conférer à un salarié la qualité de télétravailleur. Ainsi, les salariés dont le travail par nature ne s’exerce que sur le terrain et qui ne pourraient pas effectuer leurs tâches de manière sédentaire dans l’entreprise sont de fait exclus de la législation sur le télétravail. De ces critères, il résulte qu’au final, le télétravailleur ne se réduit pas au cas du salarié qui travaille depuis son domicile.

 

Cela n’est pas sans conséquence pour le salarié, car cela signifie qu’il peut cumuler ce statut de télétravailleur avec d’autres statuts tels que le statut de travailleur itinérant, qui vise le salarié, souvent un cadre commercial, ne disposant pas d’espace attitré dans les locaux de l’entreprise et qui réalise ses missions en dehors des locaux de l’entreprise ; le statut du travailleur nomade, qui concerne le salarié travaillant à distance mais sans régularité particulière s’agissant des moments ou des localisations de travail (cas, par exemple, des salariés participant à la direction d’un groupe et travaillant d’un site à l’autre).

L’entreprise peut-elle recourir au télétravail de façon occasionnelle ?

Oui ! La nouvelle réglementation, soucieuse de « coller » à la pratique des entreprises, le permet désormais.

Cette pratique était tout à fait illégale puisque le télétravail, avant les ordonnances Travail, ne visait que le travail effectué hors des locaux de l’entreprise « de façon régulière et volontaire ». Le critère de « régularité » a été supprimé de la nouvelle définition du télétravail.

Dorénavant, à côté du télétravail dit « régulier », parce que programmé à l’avance sur un nombre de jours fixe et sur une période de référence donnée, il existe un télétravail occasionnel sur lequel ma-nagers et salariés peuvent se mettre d’accord dans des cas spécifiques. Ainsi, le code du travail vise expressément les épisodes de pollution.

Cela étant, rien n’interdit de viser, à travers le télétravail occasionnel, des situations que l’on rencontre communément dans la vie des entreprises : situations individuelles spécifiques, en particulier les « personnes en situation de handicap » et « l’état de grossesse » pour lesquelles l’aménagement du poste de travail peut prendre la forme d’une solution de télétravail afin de favoriser le maintien dans l’emploi ; des difficultés de transport liées aux grèves ; des situations personnelles exceptionnelles et temporaires (problème de garde d’enfant, conduite de travaux à domicile, etc.).

Le dispositif légal sur le télétravail a été élaboré de telle manière qu’il permet de recourir, à côté du télétravail régulier et occasionnel, au télétravail de « pure convenance » très répandu dans les entreprises (cas du salarié qui souhaite rester à son domicile dans le seul but de travailler avec plus de tranquillité). C’est ce type de télétravail que L’Oréal a officialisé, sous le terme de « flexwork » dans son accord d’entreprise du 19 décembre 2017.

À condition d’obtenir une réponse positive de leur manager 48 h à l’avance, les salariés éligibles au télétravail chez l’Oréal ont la possibilité de télétravailler au maximum 4 jours par mois. Bien entendu, rien n’interdit à une entreprise de cumuler les accords collectifs ou chartes applicables au télétravail régulier, télétravail occasionnel et au « flexwork » pour reprendre la terminologie usitée par l’Oréal.

 

L’entreprise peut-elle recourir au télétravail en dehors de tout accord d’entreprise ou charte ?

 

La réponse est affirmative puisqu’il ressort du code du travail que « le télétravail est mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique, s’il existe.

En l’absence d’accord collectif ou de charte, lorsque le salarié et l’employeur conviennent de recourir au télétravail, ils formalisent leur accord par tout moyen ».

Ainsi, le législateur est à ce point désireux de permettre aux entreprises de recourir au télétravail qu’il va même jusqu’à leur permettre de recourir à ce mode d’organisation en dehors de tout dialogue social.

Comment s’exerce le télétravail ?

Nous visons ici le passage en télétravail régulier, le recours au télétravail occasionnel obéissant, par nature, à un formalisme peu contraignant puisque résultant de situations individuelles spécifiques ou encore de circonstances exceptionnelles.

En pratique, le passage en télétravail sera subordonné à l’accord du responsable hiérarchique et du/de la DRH à la fois sur le principe et sur les modalités d’organisation du télétravail (notamment sur le choix du/des jours effectués en télétravail).

 

Les étapes de la procédure de candidature se dérouleront classiquement de la façon suivante : demande du salarié par courrier ou par mail au responsable hiérarchique ; entretien entre le salarié et le responsable hiérarchique (éligibilité, motivations…) ; le responsable hiérarchique informera le service RH - prise de décision commune ; réponse formelle au salarié dans un délai maximum (souvent d’un mois).

 

L’employeur peut-il refuser le passage en télétravail ?

 

La réponse de l’employeur dépendra de savoir si le télétravail a été instauré par accord (ou charte) ou non.

Si un accord (ou une charte) existe, l’employeur qui refuse d’accorder le bénéfice du télétravail à un salarié qui en fait la demande doit motiver sa réponse. Il aura bien entendu intérêt à le faire sur la base des dispositions de l’accord collectif ou de la charte prévoyant les divers cas de refus envisageables afin d’objectiver sa décision dans l’intérêt supérieur de l’entreprise.

 

En l’absence d’accord collectif (ou de charte) sur le télétravail, l’employeur est libre de donner suite, ou non, à la demande du salarié.

Pour autant, l’article L. 1222-9 du code du travail ne prévoit aucune sanction dans l’éventualité où l’employeur ne motive pas sa décision de refus.

Il ne faut pas pour autant en inférer que l’employeur jouira alors d’une totale impunité puisque sa décision pourrait alors être attaquée en justice par le salarié du chef de rupture du principe d’égalité de traitement ou pour discrimination si, dans ce dernier cas, le salarié peut présenter des éléments laissant entendre qu’elle pourrait être liée à l’un des 23 motifs de discrimination visée par la loi (sexe, orientation sexuelle, état de santé, « race », etc.).

Il sera rappelé que les dommages et intérêts pour discrimination ne sont pas plafonnés par les ordonnances Travail.

 

Le salarié dont le poste est éligible au télétravail peut-il refuser de télétravailler ?

 

Le refus d’accepter un poste de télétravailleur n’est pas un motif de rupture du contrat de travail.

Le télétravail repose ainsi sur un double volontariat : choix personnel accepté du salarié, qui ne peut se voir imposer de travailler en dehors de l’entreprise même s’il y est éligible ; volontariat de l’em-ployeur, qui n’est pas tenu d’accepter la demande du salarié qui souhaite bénéficier du télétravail (dès lors qu’il est en mesure de motiver son refus par des critères objectifs).

Le télétravailleur a-t-il un droit à venir retravailler dans les locaux de l’entreprise ?

Il faut bien avoir présent à l’esprit que le recours au télétravail ne présente pas que des avantages pour le salarié.

Pratiqué de façon intensive, le télétravail peut entraîner une perte du lien social au travail et rend difficile la séparation entre la vie privée et vie professionnelle, quand bien même l’entreprise a eu la bonne idée de signer un accord ou d’adopter une charte sur le droit à la déconnexion. Dans ces conditions, le télétravailleur peut parfois vouloir travailler à nouveau dans les locaux de l’entreprise.

Si l’entreprise décide de se doter d’un accord collectif ou d’une charte sur le télétravail, elle prendra soin de prévoir les conditions d’un retour dans les locaux de l’entreprise. Un certain nombre d’entreprises s’est prononcé en faveur du principe de « double réversibilité permanente » : tant le salarié que le responsable hiérarchique peuvent librement mettre fin à la situation de télétravail, tout au long de l’année, souvent sans délai pour le salarié et moyennant le respect d’un délai de prévenance minimum pour l’employeur.

D’autres clauses de réversibilité sont possibles : clause précisant que la fin du télétravail sera subordonnée à l’accord de l’autre partie ; clause énumérant les situations où la fin du télétravail sera automatique (déménagement du salarié, modification de sa vie familiale rendant impossible le télétravail, restructuration de l’entreprise…).

Accord/charte ou pas, l’employeur doit, dans tous les cas, donner la priorité au télétravailleur pour occuper ou reprendre un poste sans télétravail lorsque celui-ci correspond à ses qualifications et à ses compétences professionnelles.

Il doit alors porter à la connaissance du télétravailleur la disponibilité de tout poste de cette nature. Le droit au télétravail, un droit sous contrôle

Quelles sont les obligations du télétravailleur ?

L’une des principales difficultés auxquelles se heurte l’employeur a trait au respect des durées du travail et à la charge de travail du télétravailleur.

Et ce pour une raison simple : le travail à distance, parce qu’il ne se déroule pas sous les yeux de l’employeur, peut entraîner des dépassements d’horaires et contrevenir aux temps minimums de repos quotidien et hebdomadaire.

Pour éviter de se retrouver en difficulté devant le juge prud’homal, l’employeur aura tout intérêt à rappeler par écrit au télétravailleur qui travaille sur une base hebdomadaire de 35 h qu’il doit res-pecter les temps de repos obligatoires et qu’il ne peut accomplir d’heures de travail supplémentaires sans l’accord préalable et écrit de son supérieur hiérarchique. S’agissant du temps de repos obligatoire, on rappellera qu’il n’est pas permis de déroger aux dispositions légales applicables (11 heures consécutives par jour et 35 heures consécutives par semaine, au minimum), sauf à entrer dans un cas dérogatoire prévu par la loi.

Il convient également de rappeler que le temps de repos ne peut pas être fractionné, quand bien même il s’agit là d’une pratique largement répandue à laquelle nombre de salariés en télétravail, sont attachés. Lorsque le télétravail concerne des salariés en forfait annuel en jours, on rappellera que l’employeur est, en tout état de cause, lié par les contraintes de suivi de la charge de travail inhérentes au dispositif.

Quelles sont les principales obligations de l’employeur ?

De façon générale, l’employeur doit tout d’abord s’assurer que le télétravailleur a les mêmes droits que les autres salariés de droit commun.

Droits collectifs : Le salarié en situation de télétravail bénéficie des mêmes droits collectifs légaux et conventionnels que ceux applicables aux salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l’entreprise.

Droits individuels : Le salarié en situation de télétravail bénéficie des mêmes droits individuels que les autres salariés de l’entreprise, notamment en matière de formation professionnelle, de déroule-ment de carrière, d’entretiens professionnels et de politique d’évaluation.

Ainsi, le télétravailleur doit être placé dans une situation identique à celle des salariés exerçant une activité comparable au sein des locaux de l’entreprise, notamment en ce qui concerne la charge de travail, les délais d’exécution, ainsi que l’évaluation des résultats du télétravailleur.

L’employeur est tenu de respecter la vie privée du salarié et fixe en concertation avec le télétravailleur, les plages horaires durant lesquelles il pourra le contacter, en correspondance avec son horaire habituel de travail. Accident du travail et obligation de sécurité : Le télétravailleur bénéficie de la même protection contre les accidents du travail que les autres salariés.

Avant les ordonnances Travail, aucune règle ne qualifiait d’accident du travail l’accident survenant durant le télétravail.

Cette insécurité juridique a été levée par l’ordonnance du 22 septembre 2017, qui vient clarifier la situation du télétravailleur en introduisant la présomption selon laquelle l’accident qui survient en temps et lieu du télétravail est présumé être un accident du travail.

Source : CCI INO N°159- Juillet- Août 2018

 

 

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